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La Coutellerie à Thiers et Saint-Rémy Guide album illustrée ( 1922 / 1923 ) P-L-M " Propriété de la Compagnie " |
01/08/07 |
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Il est difficile d'assigner une date exacte à la naissance de la coutellerie à Thiers, les avis à ce sujet étant très partagés. Quoi qu'il en soit, tous les documents consultés et les divers auteurs qui se sont occupés à reconstituer l'historique de cette importante industrie s'accordent à constater son existence déjà florissante au XIVe siècle. On peut donc croire sans présomption que ses débuts remontent au XIIIe siècle. D'aucuns prétendent qu'elle a été fixé définitivement dans cette région par les habitants de Châteldon (Chastel-Ondon), localité avoisinante, chassés de chez eux par la peste qui sévit en 1348 et qui se réfugièrent à Thiers avec leur métier de coutelier. Il faut donc supposer que cette industrie y était déjà en activité, attirant ainsi une population qui exerçait cette branche. Remontant aux causes premières, on pense que les Thiernois, dans l'incapacité de retirer des ressources d'une contrée aride et contraints de payer la dîme à leurs seigneurs, se mirent à fabriquer des armes et plut tard de la coutellerie. Dans un fragment du terrier de la Baronnie de Thiers qui porte la date de 1474-1477, dit M. Gustave Saint-Joanny, qui a écrit l'histoire de la coutellerie thiernoise, nous trouvons les noms de plusieurs couteliers et comparativement aux autres professions que mentionne cet ancien titre, nous voyons que les couteliers forment le quart environ du total des menans et habitants de la ville de Thiers y désignés. Il est possible qu'en réalité ce chiffre soit plus élevé, puisque notre document ne comprend qu'une partie de la ville. Il faut bien admettre que si au XVe siécle les couteliers formaient une part aussi nombreuse de la population, ce développement de notre industrie n'avait dû se manifester que progressivement par degrés. En sorte qu'il n'y aurait pas d'exagération sans doute à faire remonter l'origine de la coutellerie thiernoise au XIVe siécle et même au XIIIe. Dès lors nous retrouvons des documents certains et précis, notamment celui du 2 novembre 1567, date à laquelle le procureur des marchands réunissait les maîtres couteliers au nombre de 170 " pour leur faire entendre la dicte ordonnance faite suyvant l'hédict du Roy Notre Sir, sur la facture de leurs marchandises de couteaulx et vieulx bons et biaulx et fers chascun sa marque et caractaire et aussi pour eslire et comectre visiteurs expertz et ad ce cognoissants affin que abbuz ne se comectent à la dicte facture des dictes marchandises ". Puis celui de mai 1582 par lequel Henri III, par la Grâce de Dieu, Roy de France, par lettres patentes données à Fontainebleau, octroyait certains règlements aux couteliers de Thiers, constitués en maîtrise. C'est à cette époque d'ailleurs que ceux-ci fondèrent, comme chaque corporation, une confrérie qu'ils placèrent sous le patronage de Saint Eloy; leurs armoiries étaient : " De gueules à un couteau d'argent". Toutefois ces règlements ne parurent pas suffisants et en juin 1614 certains maîtres couteliers de Thiers se réunirent en la paroisse de Saint-Esprit et décidèrent de nommer vingt maîtres d'Etat pour procéder à la réformation des statuts et corriger ainsi les abus et fraudes qui se produisait journellement. Ces statuts furent appliqués jusqu'en 1743, époque à laquelle intervint un nouveau règlement des "ouvrages de quincaillerie et coutellerie qui se fabriquaient dans la ville de Thiers et lieux circonvoisins, par lettres patentes données à Versailles le 24 décembre"; il n'apportait pas grand changement aux statuts, mais tout en paraissant inspiré du désir d'assurer la supériorité de la fabrication, imposait aux jurés le contrôle du juge; ce fut la " Jurande ", la main-mise du Pouvoir sur la corporation. Les abus et malversations étaient sévèrement réprimés et la qualité de la marchandise soumise à un contrôle vigilant auquel nul n'avait le droit de se dérober. Sous l'apparence d'exigences légitimes, ces règlements d'un esprit trop étroit en restreignant toute initiative individuelle entravaient l'essor que Thiers aurait pu prendre dans la plus large mesure; ils n'ont pu heureusement compromettre entièrement la réputation mondiale que la vaillante cité a acquise par ses efforts incessants et qu'elle conserve toujours. La coutellerie continuait donc sa marche ascendante et se répandait rapidement à l'étranger. L'Espagne fut un des premiers et des plus importants débouchés et Thiers fabriquait des articles spéciaux pour ce pays où des Thiernois s'étaient déjà implantés et avaient ouvert des comptoirs. Les relations ave l'Italie sont également très suivies. L'Allemagne même était notre tributaire et s'approvisionnait dans notre cité coutelière pour toute sortes d'articles, ainsi qu'en témoigne un acte daté du 3 octobre 1628 passé devant un notaire de Thiers et mentionnant la vente de " couteaux pliants de plusieurs fassons, mouchettes plattes, mouchettes rondes, estuis à plusieurs fassons, etc..., destinés à partir en Allemagne dans les terres subjettes à l'Empire et non ailleurs. " Thiers d'ailleurs ne s'en tenait pas à l'Europe seulement et ses produits franchissaient les mers, pénétraient dans toutes les parties du monde. Au 1er Avril 1774 le nombre de correspondants d'une seule maison s'élève à 617 sur lesquels 200 environ sont réparties entre les principales villes de France : Lyon, Marseille, Rouen, Paris, Bayonne, Lille, Nantes; les autres correspondants appartiennent à l'étranger. Le résultat était donc satisfaisant, malgré les guerres, les épidémies, sans parler de la cause première subsistante jusqu'à la Révolution, la constitution de la Jurande qui, ainsi que nous l'avons dit plus haut, ne permettait pas à la fabrication de prendre tous le développement dont elle était susceptible. Puis vint la Révolution elle-même dont la coutellerie eut beaucoup à souffrir; le charbon, l'acier, l'ébène, les meules faisaient défaut. M. Saint-Joanny, qui a retracé dans son affreuse réalité le tableau de cette population sans travail et sans pain, cite le fait suivant : Il existait à Thiers 2 tables, l'une en plomb, l'autre en argent destinés à prendre l'empreinte des marques des maîtres, un membre du Conseil géneral ayant fait remarquer que la table en plomb pouvait suffire, le Conseil décida que la table d'argent searit vendue et le prix converti en secours " aux femmes et enfants dont les maris et pères sont allés combattre les rebelles. " C'était le prélude des sacrifices et mesures que les administrateurs de la commune de Thiers durent prendre pour atténuer les souffrances de leurs concitoyens. Ce temps d'épreuves passa enfin et la coutellerie thiernoise reprit peu à peu son importance et fut brillamment représentée dans toutes les expositions. La marche ascendante fut un moment troublée par l'envahissement des produits allemands; elle continuait néanmoins ainsi qu'en témoignent les chiffres officiels suivants : Il y a trente ans on évaluait les expéditions aux chiffres de 12 millions de francs. La fabrication de la coutellerie dans le passé La ligne de démarcation entre le passé et le présent doit être tracée entre la première et le seconde partie du XIXe siècle. A partir de 1850, en effet, de timides transformations ont commencé à s'opérer. Nous remonterons donc aux premières années du siècle passé. Dirigé dans le travail de reconstitution par la tradition recueillie de la bouche des contemporains, tradition confirmée par nos propres observations. Témoin attentif des transformations qui s'opéraient lentement, en laissant subsister derrière elle les vestiges du passé, nous pouvons aujourd'hui reconstituer ce passé qui ne fut pas sans gloire. Pénétrons donc dans une boutique de la rue Mallorie vers 1830. L'auvent fermant la devanture sur la rue est retenu au plafond. Le papier huilé remplaçant les verres absents, claque à l'ouverture de la porte. Celle-ci est au coin de la boutique. Un établi s'appuie intérieurement sur la devanture. Du lundi de Pâques à la foire du Pré (14 septembre)l'auvent restera ouvert de l'aube au crépuscule. Les veillées commenceront le 14 septembre. Un cheleu, lampe primitive où une mèche plongée dans l'huile donnera la lumière, le matin de 5 heures à 8 heures, le soir de 4 heures à 9 heures. Dans les jours de froidure, le châssis, abaissé dans la journée, laissera pénétrer la lumière diffuse du jour. Le chauffage est obtenu par un brasero, vaste terrine remplie de braise ou de charbon incandescent. Le maître et le garçon de boutique sont là dès l'aube, vérifiant les livraisons faites le dimanche précédent par les ouvriers, assortissant les articles, préparant les expéditions. La boutique est un sombre réduit, dont le sol en terr battue est encombré de lames, de ressorts, de mitres, de platines dans un désordre plus apparent que réel. Derrière la boutique où nous pénétrons, est une salle éclairée par des fenêtres s'ouvrant sur Margeride et les Belins. Dans cette salle dont les murs sont cachés par des rayons, divisés en casier, de vastes tables s'alignent, couvertes de couteaux de toutes sortes. C'est la salle d'expédition d'où partiront dans toute les directions les couteaux terminés. Le maître _ ainsi est désigné le fabricant _ a été avisé que des ballons d'acier à son adresse sont arrivés : des aciers de France venant du Nord par le port de Puy-Guillaume, déposés à l'Hôtel du Lion d'Or au sommet de la côte des chemins neufs (actuellement le couvent des Soeurs du Sauveur) et des aciers de Rives arrivés à l'Aigle d'Or (dans les bâtiments désaffectés du bain des Gramments). Il donne au garçon de boutique l'ordre de les retirer et de les faire transporter chez le martinaire. Le garçon de boutique est l'alter ego du patron, ses fonctions sont si multiples que les ouvriers dans leur langage plus imagé que respectueux le désignent sous le nom de " Chi de boutique " . Nous sommes chez un fabricant important, les autres patrons achètent les aciers chez le marchand de fer local. Mais il est l'heure de la soupe ; patronne et ouvriers du quartier sortent et de réunissent en groupe sur le seuil d'une boutique, la soupière à la main, échangeant les nouvelles et les menus propos. A cette heur il n'y a ni patrons ni ouvriers, mais des camarades. Et c'est là une des caractéristiques de la mentalité thiernoise, où existe à cette époque le principe d'égalité parfaite. Le garçon de boutique va ensuite au Pirou, où se tiennent les portefaix Corporation fermée comme celle des Forts des Halles de Paris. Aucun chemin praticable ne permet le passage des voitures pour atteindre la vallée, où sont les martinets. C'est donc à dos d'hommes que les fournitures doivent être descendues, d'où nécessité de la création d'une équipe de porteurs. Les ballons d'acier pèsent environ cent livres. Les porteurs les chargent sur leur dos. Une courroie ceignant leur front tient la charge en équilibre, leur laissant les mains libres. Un bâton ferré à la main, ils s'engagent dans les sentiers abrupts creusés par les pas de l'homme dans le granit. Ces sentiers à pic dominent la vallée de plus de 100 mètres au départ, surplombant la Durolle et les usines enfermées dans l'étroite vallée. Un faux pas, un étourdissement jette ces hommes et leur lourde charge sur le toit d'un rouet, d'une papeterie ou dans la rivière tumultueuse dont l'écume couvre d'embruns le sentier. Il n'existe pas d'autre moyen de parvenir dans les usines qui s'échelonnent de Château-Gaillard au Moutier, aussi ces sentiers dangereux sont-ils suivis avec l'indifférence du danger par les nombreux ouvriers de la rivière. Le martinet se signale au loin par le bruit étourdissant des marteaux frappant de 200 à 500 coups par minute, comme le fait la papeterie par l'odeur fade qui s'en dégage, la tannerie par le parfum qu'apporte la brise, le rouet par le crissement de l'acier sur la meule. Georges Sand dans la Ville noire, a donné une description exacte de l'extérieure d'un martinet et de son cadre : " Une masure délabrée, presque une ruine, menacée par les rochers qui la surplombent : A l'angle de cette masure est une roue hydraulique actionnée par le bief. Un axe attachée à cette roue s'appuie sur le mur opposé. Sur cette axe, des taquets soulèvent le long manche d'un énorme marteau et le laissent retomber, à chaque mouvement de rotation, sur l'enclume où est le ballon d'acier préalablement rougi. L'acier est ainsi étiré d'une façon grossière en longues lames. L'obscurité presque complète du réduit où le jour n'arrive que par les fentes du toit, où s'échappe une fumée intense qui prend à la gorge, est trouée d'étincelles multicolores, brillant feu d'artifice allumé par le marteau sur l'acier incandescent. Le Martinaire est tenu de donner aux verges d'acier et aux verges de fer une forme différente par le règlement de Jurande perpétué après l'extinction de cette organisation. Avec le gainier, dont nous parlerons plus loin, il est considéré comme un artisan d'ordre inférieur. L'acier étiré est reporté au fabricant qui en fait le triage et le répartit entre les forgerons de couteaux fermants, de ressorts et de platine. Ceux-ci en prennent livraison le dimanche, car ils habitent généralement la région de Saint-Rémy ou la banlieue de Thiers. Ils emportent les billes d'acier sur leurs épaules, quelquefois à 12 ou 15 kilomètres et le dimanche suivant rapportent dans leurs besaces les lames forgées. Leur forge est un étroit réduit, souvent en plein champ. Avant l'aube et longtemps après le coucher du soleil, on entends le chant de l'enclume dans toute la région. Ces lames passent ensuite aux mains du limeur qui relève à la lime les imperfections. Puis le perceur les prend pour forer les trous où passeront les goupilles joignants la lame et les ressorts aux platines. Ces derniers travaux se font généralement en ville. L'émouleur intervient alors. Le dimanche il charge sa besace des lames forgées. Il leur donnera le tranchant et achèvera à la meule le travail du limeur. Les émouleurs se divisent en maîtres et compagnons. Le maître est celui qui possède deux ou trois places de meules dans un rouet. Le compagnon travaille avec lui. Le rouet, à cette époque, est une masure ouverte à tous les vents. Au ras de terre son alignées les meules, un mécanisme primitif repose sur un sol en terre battue, traversée de rigoles où s'écoule l'eau des meules, les actionnant toutes ensembles. Un règlement rigoureusement appliqué permet cette solidarité. Ainsi, tous les lundis, le rouet chôme pour les réparations et la descente, à travers les ravins, des meules aussi lourdes que fragiles. Cette opération dangereuse se fait avec le concours de tous les émouleurs du quartier, à titre de revanche; et personne ne boude à la besogne, car la vie en commun imposée par la disposition des meules rendrait l'existence impossible aux récalcitrants. En raison de cette solidarité, l'émouleur a un esprit d'indépendance devant lequel ont dû s'incliner les patrons. Il travaille quand il veut. De même que souvent il restera vingt heures sur la meule, d'autres fois il passera trois ou quatre jours à des beuveries pantagruéliques. L'émouleur appartient à cette époque à une caste fermée qui n'admet comme apprentis que des fils d'émouleurs. La lame rapportée par l'émouleur est remise au polisseur, souvent une femme, qui la polit sur une meule en feutre découpés dans des chapeaux hors d'usage ( 1830 ). Pendant que la lame et les ressorts suivent cette longue marche qui les promène dans toute la région, le forgeron de mitres prépare cet accessoire. Le ballon d'acier a subi toutes ses transformations, la partie métallique du couteau est terminée. Entre temps, le maître a procédé à la trempe des lames et des ressorts, travail qu'il fait lui-même -car un ouvrier maladroit produirait de nombreux déchets ( puis il a le secret )-ou qu'il confie à un homme de confiance attachée à la maison. La trempe se fait au charbon de bois, à l'huile ou à l'eau dans un réduit à côté de la boutique. Mais ce n'est pas tout, il faut maintenant un manche à ce couteau. Le manche nécessite un certain nombre d'ouvriers. Il est en corne, en bois d'ébène, en buis, en os, en bois des îles et aussi en acre, etc...Le couteau à manche métallique n'est pas encore usité. Cependant on en trouve dans les inventaires du XVIIIe siècle. La corne arrive des abattoirs ou du port de Bordeaux, c'est-à-dire de l'Amérique du Sud. Un ouvrier spécial la débite en tranches, utilisant les plus petites parties pour les canifs. Celui-ci est dénommé le cacheur. Dans les maisons importantes, le cacheur est un ouvrier auquel les fabricants fournissent la matière première. Mais il y a aussi le patron cacheur qui fournit le manche, matière et main d'oeuvre. Il fut le premier fournisseur collectif de la coutellerie. Le titre de cacheur comprend le scieur qui débite; le presseur de corne qui passe les manches dans un moule chauffé et lui donne une forme voulue; le cacheur proprement dit, qui enlève les bavures produites par la presse, et le polisseur qui lui donne le brillant nécessaire. Les os viennent viennent également des abattoirs ou des débris recueillis par le chiffonnier. Ils sont ensuite dégraissés, frottés, sciés, puis disposés sur des claies, dans les prairies ou sur les toits pour parvenir au blanchiment par le soleil. Le bois ne subit d'autre préparation que le polissage. Le bois pressé n'existe pas encore. Lorsque tous les éléments sont réunis, le garçon de boutique les assemble, compte les lames, les platines, les mitres, les ressorts, les cotes devant fermer les couteaux fermants, les poignards, les couteaux de table, etc ... Le dimanche suivant, il les remet aux monteurs en y joignant le fil de fer nécessaire pour faire les goupilles. Le monteur habite généralement la région de Paslières, Châteldon, à l'ouest ; de Vollore-Ville, de Coupières, Aubusson à l'est. Le gain qu'il prélève est des plus minimes. La famille entière que l'on voit dans les petit appentis attenant à la maison n'arrive guère à réaliser 6 à francs par semaine. Il est le paris de la coutellerie. Mais il n'emploie que ses heures libres au travail des couteaux. Le monteur est, en effet un paysan travaillant les terres qui entourent son habitation. Pendant deux périodes, par suite de cette double fonction, il y a en partie chômage dans la coutellerie : à l'époque des semailles et pendant les moissons. Au moment où le blé était mûr, les monteurs, après avoir coupé les maigres seigles par eux cultivés, partaient en bandes nombreuses pour la Limagne où ils louaient leurs services et restaient un mois loin de chez eux, d'où chômage partiel des autres corporations. Les articles fins étaient montés généralement en ville par des ouvriers habiles. La tâche au garçon de boutique n'est pas terminés. Les couteaux sont remis ensuite au mitreur qui façonne la mitre et la polit, puis au poseur qui orne le manche de rosettes ou petits médaillons, travail fait généralement par des femmes. L'article ordinaire est terminée, il ne reste plus qu'à le confier à l'affileur puis à l'essuyeuse. Dans l'arrière boutique, dont nous avons parlé, le plieur avec dextérité les réunit par douzaine ou demi-douzaine, puis par grosses en des paquets symétriques. le plieur est un ouvrier spécial, attaché quelquefois à la maison, mais souvent aussi ouvrier libre, qui vient aux heures indiquées par le maître coutelier. D'autres professions s'appliquent aux articles spéciaux, tels que le damasseur chargé d'orner de dessins ou de devises les lames des couteaux de chasse, des poignards, etc... Leur nombre est assez limité. Ce sont les artistes utilisant l'eau forte, puis les dessinateurs, écrivant les devises ou dessinant sur les manches en ivoire ou en os des dessins de fleurs ou d'oiseaux, etc... Nous devon clore cette énumération que nous aurions pu multi^lier à l'infini, en sectionnant les articles. Elles nous suffit à nous donner une idée de la multitude de mains entre lesquelles passe un couteau avant d'arriver à l'acheteur. Les ciseaux nécessitent un aussi grand nombre d'ouvriers spéciaux. Ils sont une branche indépendante de la coutellerie. Le fabricant est spécialisé et les ouvriers n'ont aucune attache avec les ouvriers en coutellerie. La barre d'acier retour du martinet est confiée au forgeron de ciseaux, puis au limeur. Mais ensuite intervient la main-d'oeuvre spéciale : L'ajusteur qui réunit les deux branches et les perce; Le dresseur qui donne aux lames la courbure convenable; L'émouleur en premier achevant le travail du limeur; Le taraudeur chargé de la confection de la vis et du taraudage des lames; le rajusteur limant les anneaux et les branches réunis; l'acheveur dont le nom indique la profession; puis l'affileur faisant le biseau du tranchant; le rifleur achevant la lame; le taraudeur intervient de nouveau por enlever la vis, afin que les lames passent entre les mains du trempeur. La trempe provoquant un gauchissement des lames, le redresseur leur rend la forme nécessaire. Puis l'émouleur en second donne la coupe aux lames. La frotteuse enlève l'oxyde laissé par la trempe sur les branches et sur les anneaux. Enfin le taraudeur remet la vis et achève le travail. L'affileur, le polisseur et l'essuyeuse leur donne le brillant nécessaire. Le ciseau n'a plus ensuite qu'à passer par les mains du plieur et de là au client. La fabrication des rasoirs se confond avec celle du couteau. Mais elle nécessite des tours de mains spéciaux. Les ouvriers en rasoirs, les émouleurs et les forgerons surtout sont classés dans un rang élevé de la main-d'oeuvre coutelière. L'acier employé vient d'Angleterre. Cependant le rasoir nécessitait un accessoire, l'étui qui le renferme. Cet étui est fourni par le gainier, lequel fabriquait en même temps l'étui à lunettes et les boîtes de service de table qui figurent déjà au XVIIe siècle, les étuis de chirurgien, etc... Les gainiers n'ayant pas été admis dans la jurance des couteliers étaient considérés comme des artisans d'ordre inférieur après le martinaire et ce classement leur était si sensible qu'un jour ils s'insurgèrent. Voyant qu'ils ne pouvaient obtenir des couteliers la considération qu'ils recherchaient, ils prirent une résolution: " Entre nous autres gainiers, décidèrent-ils, appelons-nous Monsieur. " Ce trait de moeurs est authentique. Au premier abord, il semble que cette production compliquée devait être onéreuse et lente. Ces couteaux, qui restaient cinq ou six semaines en route avant d'être achevés, devaient revenir à un prix élevé. Erreur. La lenteur était compensée par le roulement établi. Les magasins du fabricant étaient toujours largement approvisionnés et suffisaient aux demandes. D'autres part la main-d'oeuvre était à un prix d'autant moins élevé que les ouvriers de la campagne, en même temps qu'ils forgeaient ou montaient des couteaux, cultivaient leurs champs. Puis par cette coutume qui s'est perpétué jusque vers 1850, les ouvriers étaient souvent payés en nature; notamment, en comestibles. Le bénéfice ainsi réalisé par le fabricant diminuait d'autant les frais généraux.
Itinéraires planifiés et détaillés à travers Thiers Consulter " Les Métiers de nos Ancêtres " de D.Chatry Voir le site : Coutellerie à Thiers Voir la page "L'acier DAMAS" tirée du site de Georges Emeriau |
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