LA LAME DU RASOIR DE SURETE
C'est à Cillette que l'on doit le rasoir de sûreté à lame mince, interchangeable et d'un prix modique (fin du XIXe siècle). Mais si la réalisation du rasoir porte-lames fut facile , la production d'une lame mince à deux tranchants d'un prix si modique que l'on puisse la jeter après usage, souleva des difficultés sans nombre. Gillette mit onze ans pour mettre au point la fabrication industrielle de ses lames. C'est en 1907 seulement que le rasoir de sûreté commence à être diffusé, il possède deux qualités essentielles :
1" Sa lame est interchangeable, donc toujours neuve.
2° Le rasoir de sûreté élimine tout risque de coupure.
Combien les Romains auraient apprécié cette invention...
D'ABORD UN RUBAN D'ACIER TRÈS PUR
Pour obtenir un tranchant sans défaut, il est nécessaire d'avoir un acier très pur. Il faut aussi que les opérations de fabrication s'effectuent en série continue, c'est-à-dire que chaque machine n'effectue qu'un seul et même travail et cela n'est possible que dans des usines très modernes.
L'histoire de la lame de rasoir débute par un long ruban d'acier suédois appelé feuillard et enroulé sur lui-même comme le serait un film de cinéma. On a vérifié l'épaisseur de la bande, sa largeur et ses différentes qualités.
L'ESTAMPAGE
Le ruban d'acier est enroulé sur des bobines et placé sur des presses à estamper. Ces presses perforent- la bande qui apparaît ensuite comme une série de lames soudées les unes aux autres par leur partie la plus étroite. La bande estampée ou perforée est vérifiée de façon à s'assurer que la perforation se trouve bien au centre, c'est-à-dire dans l'axe de la bande.
LA TREMPE
Dans les usines Gillette. les lames subissent un traitement désigné sous le nom de « trempe électrique ». Il s'agit en fait d'une opération de trempe et de détrempe (ou recuit) qui a pour objet' de donner à la lame de fa dureté et une souplesse suffisante afin qu'elle puisse se courber dans le rasoir
Tu peux essayer toi-même une expérience de trempe en chauffant une lame de rasoir que tu plongeras ensuite dans l'eau. La lame deviendra ainsi extrêmement cassante.
LA GRAVURE
La bande d'acier estampée, trempée, recuite, est montée sur la machine à graver où un tampon à l'acide grave la marque sur chaque lame. Puis, la bande estampée, trempée, recuite et gravée, passe dans des bacs où elle reçoit une couche de laque transparente qui la pro-tégera contre la rouille.
Nous arrivons ainsi à l'opération la plus importante, celle qui s'effectue sur le banc d'affûtage. Cette machine paraît hors de proportion avec la petitesse des lames, mais sa précision est extraordinaire
Songe que la bande d'acier spécial n'a que 13/100 de m/m d'épaisseur et que la partie à affûter ne mesure que 30 m/'m de long sur 8/10 de m/m de large. Et il faut obtenir un tranchant 80 fois plus mince qu’une feuille à papier à cigarette.
Sur le ban d’affûtage, in distingue 3 sortes de meules : les meules d’affûtage, les meules d’affilage et les meules de repassage en cuir.
LES CHARGEURS
Les lames ainsi affûtées sont séparées les unes des autres à grande vitesse par le dernier élément de l'affûteuse. Elles sont soigneusement et automatiquement empilées sur des chargeurs qui permettront de les transporter à la vérification
Pendant tout le temps de leur fabrication, les lames ne sont jamais touchées à !a main.
LE TRANCHANT DE LA LAME DE SURETE
Observe une lame de rasoir de sûreté. Sais-tu que l'épaisseur du tranchant mesuré à l'aide d'ondes lumineuses n'a que 5/1O.OOO de m/m d'épaisseur ? On peut, avec le tranchant d'une lame, fendre un cheveu en huit dans le sens de l'épaisseur !
Ce tranchant examiné au microscope apparaît comme un trait parfaitement rectiligne. Si tu le compares au tranchant d'un rasoir droit affûté par un professionnel très habile, tu remarqueras que le tranchant du rasoir droit ressemble à une scie. Ce sont les grains de pous-sière qui se trouvaient sur le cuir au moment de l'affûtage et l'irrégularité des mouvements de la main de l'ouvrier qui ont provoqué ces dents de scie.
LE CONTROLE
Le tranchant des lames est vérifié à la lumière mono-chromatique (mono : un seul ; chromo : couleur), c'est-à-dire à une lumière pure constituée de rayons d'une seule couleur (tu sais bien que la lumière est composée des sept couleurs que l'on retrouve dans l'arc-en-ciel).
La vérificatrice présente le chargeur garni de lames à la lumière mono-chromatique. Les tranchants serrés les uns contre les autres apparaissent alors comme un ruban •de velours bleu nuit. S'il y a dans le chargeur des lames défectueuses, le tranchant apparaît comme un trait blanc. Les lames défectueuses sont immédiatement éliminées.
Sais-tu qu'il suffit de frôler du doigt la surface formée par les tranchants serrés les uns contre les autres dans les chargeurs pour voir apparaître immédiatement une tramée blanche. Tous les tranchants des lames du chargeur ont été altérés par ce simple contact. Toutes ces lames doivent être éliminées.
L'ENVELOPPAGE
Comment conserver un tranchant si parfait et délicat ?
En effet, une nouvelle difficulté surgit au moment de. l'enveloppage. Le papier est une matière abrasive (c'est-à-dire qui use comme le ferait une meule)- et le moindre contact du papier avec le tranchant de la lame altère ce tranchant. 11 faut donc parvenir à l'isoler par un certain pliage.
Prends une lame dans son emballage, enlève la première enveloppe qui la recouvre. Tu découvres alors une seconde enveloppe en papier paraffiné. Examine la lame dans son enveloppe par transparence à la lumière. Qu'observes-tu ? La lame est isolée au milieu de son enveloppe et ne peut pas bouger. En aucun endroit, ses tranchants ne touchent le papier. Essaie de la déplacer, tu n'y parviendras qu'en la décollant, car quatre points de vaseline la maintiennent fixée.
L'EMBALLAGE
A la sortie du contrôle, les chargeurs ont été placés sur les enveloppeuses qui font les opérations décrites à la page précédente : pulvérisation de vaseline sur la lame, fixation de la lame dans son enveloppe, pliage de l'enveloppe de papier paraffine, pliage de la seconde enveloppe (celle qui comporte la marque). Toutes ces opérations sont faites automatiquement.
Les lames enveloppées sont alors transportées sur une autre machine : l'empaqueteuse. Cette machine empaquette automatiquement les lames en étuis de cinq ou de dix. L'empaqueteuse est si précise que les étuis qui ne comportent pas le nombre de lames prévues sont automatiquement rejetés.
Les étuis sont alors transportés sur les tables d'emballage. ils sont placés à la main dans des boîtes qui comportent 10, 20 ou 40 étuis de 5 ou de 10 lames. C'est la seule des nombreuses opérations qui soit accomplie à la main.
