La coiffure en France du Moyen Age à nos jours
Le statut de 1383

 

 

En 1383, Charles VI confirme les privilèges accordés par son père aux barbiers « de nostre bonne ville de Paris » dont ils ont joui et usé paisiblement en temps passé... mais qui ont été perdus !

Les dix premiers articles sont entièrement conformes à ceux de 1371, quatre sont ajoutés :

ART. 11 - « Les barbiers peuvent faire appel auprès du Prévôt de Paris. »

ART. 12 - « Toute assemblée est interdite sans l'autori-

sation du Prévôt. »

Le Roi fait là une exception pour ses barbiers, car après la révolte des « Maillotins » toutes les assemblées de métiers étaient interdites. La cause de cette révolte fut le rétablissement par Charles VI de l'impôt du douzième dernier sur les denrées ; le premier percepteur qui se présenta aux Halles fut mis en pièces par la population de Paris ; il s'ensuivit d'affreux massacres, mais le Roi ne tarda pas à reprendre la situation en main ; les meneurs furent pendus.

On ne retrouve pas trace d'action spécifique des barbiers lors de ces émeutes ; de même, lors de la révolte de 1357, conduite par Étienne Marcel, le rôle du métier ne peut être établi avec certitude. Le Prévôt supprima les jurés élus des différents métiers, en nomma lui-même de nouveaux, et défendit que l'on se réunisse. Ces mesures rigoureuses furent éphémères ; 1 année suivante, le statut des barbiers autorise à nouveau les assemblées, et très vite toutes les communautés retrouvèrent leurs règles habituelles. Les lettres patentes de 1383 contiennent encore deux curiosités :

 

 

ART. 13 - « Interdiction de raser ou de faire autre chose aux personnes aux étuves à peine de cinq sols

d'amende. » Les barbiers se défendent de la concurrence des étuvistes.

ART. 14 - « Tous les barbiers qui saigneront avant dîner seront tenus de jeter le sang avant une heure de l'après-midi ; le sang des opérations de l'après-midi devra être jeté dans les deux heures qui suivent. »

Mesure d'hygiène publique, mais aussi précaution contre les utilisations diverses qui auraient pu être faites de ce sang frais.

Bistouris à lame rentrante. A gauche, lame droite protégée par deux lames de bois parallèles.

A droite, lame courbe avec gaine unique très ouvragée en métal. Le tranchant est dans la partie concave.

Le bistouri droit servait aux incisions des téguments et aux saignées( lancette). Le bistouri courbe était utilisé pour la section des parties molles lors de l'amputation d'un membre.

 

 

 

Le conflit avec les chirurgiens

 

Les frontières des deux professions restèrent longtemps dans l'imprécision ; les chirurgiens ne devaient pas raser, les barbiers auraient dû ne jamais opérer de cas graves, mais dans la réalité du métier les choses allaient bien différemment et constituaient une source de conflits et de procès incessants. Le 3 octobre 1372 Charles V accordait, par lettres patentes, aux barbiers le droit de panser les clous, bosses, et plaies qui n'étaient pas mortelles.

Néanmoins, en 1424 les chirurgiens de Saint-Cosme

se plaignent à nouveau de l'empiétement des barbiers.

Un arrêt du Parlement de Paris les déboute et dit que

 

 

les barbiers « se pourront entremettre de curer et guérir clous, bosses et plaies ouvertes, en cas de péril et aussi autrement ». Ils devront aviser la justice prévôtale, lorsqu'on leur présentera un blessé ayant une plaie mortelle, et enfin ils pourront « bailler et administrer onguents, emplâtres et autres médicaments nécessaires pour la guérison des clous, bosses et plaies ouvertes ». Cet arrêt, émanant de l'autorité juridique la plus haute, rend justice à la grande pratique des barbiers et montre assez la confiance que l'on avait en eux.

Désormais, ils seront couramment appelés «barbiers-chirurgiens ».

 


Le statut de 1427

 

En 1427, Colmet Candillon Premier Barbier de

Charles VU, étend son autorité en obtenant du Roi un

statut des « barbiers du Royaume » en vingt deux articles :

« Le Premier Barbier sera le grand Maître et aura unlieutenant dans toutes les bonnes villes du royaume (art1).»

« Tous les maîtres paieront cinq sols par an pour

son office (art. 8). »

« Les jurés seront « élus » dans chaque ville par lepremier Barbier et son lieutenant (art. 2). »

Le Contrôle de l'autorité centrale parisienne, se ren-

force.

« Les Barbiers des bourgs et châteaux devront « se faire

recevoir » à la ville la plus proche (art. 6). »

Nombreux étaient ceux, qui, pour échapper aux ri gueurs de « l'essai » et aux contraintes de la communauté, s'étaient installés dans les « fauxbourgs » ou sur des terres franches, propriété de féodaux ou d'ecclésiastiques.

Outre les prescriptions habituelles de bonnes mœurs

et renommée, d'observation des fêtes chômées, de res-

pect de l'apprenti de l'autre, d'obéissance au Premier

Barbier, assisté s'il en est besoin, de la police royale,

quelques points nouveaux apparaissent :

« Pour passer l'examen de maîtrise, il faut avoir fini

l'apprentissage, et demander une lettre au Premier Bar-

bier en versant cinq sols (art. 12 et 13). »

La durée de l'apprentissage n'est pas fixée, contrai-

rement aux statuts d'autres professions ; chez les bar-

biers, elle était souvent de deux à quatre ans.

Le maître ne prend qu'un seul apprenti à la fois, il

doit l'héberger, le nourrir, l'habiller et traiter en fils de

« prud'homme ».

Quant à l'apprenti, voici comment un ouvrage du

XVIIe décrit la conduite qu'il lui faut tenir chez

son maître :

« En termes généraux, tous les apprentis doivent,

lorsqu'ils sont engagés, bien nettoyer et balayer la bou-

tique et le devant de la porte, bien ramasser tous les

outils des compagnons et tout ce qui se trouve traisner

d'un côté ou d'un autre tant au maître qu'aux compa-

gnons, et leur donner tout ce qu'il faut pour leur ou-

vrage ; leur aller quérir à manger et à boire, si c'est eux

qui se nourrissent ; les servir promptement et se faire

aimer d'eux, car c'est souvent d'eux plus que du maistre

qu'ils apprennent leur métier et ayant leur amitié ils ne

leur cachent rien et les rendent capables en fort peu de

temps. Il faut aussi que les apprentis se lèvent tous les

jours les premiers et se couchent les derniers, car ce

sont eux qui ouvrent et ferment la boutique ; ce sont

eux aussi qui font les lits des compagnons et ils doivent

en tout n'être pas paresseux, n'y désobéissants, car sans

cela ils voient souvent leur temps fini, et n'estre encore

que des ignorants. Et s'ils veulent estre honnestes gens

et de bonne inclination, après estre apprentis ils devien-

nent compagnons, et se rendent habiles en leur art et

métier. Si les apprentis donnent de l'argent pour leur

apprentissage, ils ne doivent point souffrir qu'on leur

fasse rien faire qui ne soit point de leur métier : qui est

comme de ne point laver la vaisselle, promener n'y

amuser les enfants, n'y autres choses que les maîtres et

maîtresses leur font faire, attendu que cela n'est point

dans leur engagement, n'y dans les statuts du métier ou

de l'art dont ils veulent faire profession.

Et s'ils ne donnent point d'argent, ils s'engagent

pour plus longtemps. »

La visite régulière des jurés chez chaque maître de la

profession était une vieille tradition des corporations ;

elle avait pour but de s'assurer de la conformité des mé-

thodes de travail aux habitudes ancestrales, et de véri-

fier la qualité du service et des produits fournis au pu-

blic. 

 

 

 

« Les jurés feront la visite des « ouvroirs pour s'as-

surer du service (art. 15). »

« En cas de décès d'un maître, tous les autres l'ac-

compagneront aux obsèques (art. 17). »

« Les barbiers pourront s'assembler en confrérie,

sous le patronnage de Saint-Cosme et Saint-Damien, en

présence des officiers royaux et des jurés, et apporteront cent sols de cotisations (art.7)

 

Les confréries étaient des associations pieuses, éta-

blies dans les paroisses et rassemblant de préférence les

gens d'un même métier. Intimement mêlées à la vie

corporative, elles témoignent d'une époque ou vie

temporelle, spirituelle et sociale étaient étroitement

imbriquées.

Les jours de Fêtes, la communauté défilait dans les

rues derrière la bannière de son Saint Patron.

L'esprit de ces associations pourrait être défini comme

suit :

« Faire avec le produit des biens de larges aumônes

nourrir les confrères indigents, faire dire des messes tant

pour les vivants que pour les morts et s'occuper de di-

verses œuvres de charité ».

Les confrères de Saint-Cosme et Saint-Damien

avaient pour devoir de panser les indigents gratuite-

ment.

« L'article 11 précise que nul ne pourra louer sa

boutique et son office à une personne qui ne serait pas

maître du métier. »

Cette précaution voulait sans doute, empêcher l'in-

trusion de « maîtres de lettres », c'est-à-dire de favoris

de grands seigneurs auxquels on délivrait des brevets de

maîtrise en dehors des examens réguliers, contrôlés par

la corporation. Cette clause s'avérera insuffisante à

combattre l'arbitraire des Princes.

L'article suivant introduit pour la première fois une

discrimination sexuelle : « les femmes ne seront pas ad-

mises à travailler à moins qu'elles ne soient femmes ou

filles de maîtres et de bonne renommée (art. 12). »

Exception faite du Registre de 1292, les règlements

successifs n'indiquent jamais de participation féminine ;

cependant, comme dans les autres métiers, il semble que

les femmes aidaient leur pères et maris, et étaient ame-

nées en cas de décès à continuer l'office avec l'aide des

compagnons.

Pour l'essentiel, le statut des barbiers est fixé, à cette

date de 1427 ; il ne subira guère de changements avant

la fin de XVIIe.

L'institution traversera donc trois siècles et assurera

la permanence de la profession, et du cadre de vie

qu'elle donnait à ses membres.

« Le but essentiel de ses promoteurs — [de la corpo-

ration] — ce n'est pas la production ; ce n'est pas la

richesse qui est au centre de leurs préoccupations, ce

ne sont pas les choses, ce sont les hommes » écrit

Coornaert.

Le système corporatif vise à répartir le travail, à le

donner à chacun selon ses besoins et sa condition ; il

organise une double répartition des tâches :

- entre les différents métiers en présence,

- à l'intérieur du métier, entre chaque membre.

Par principe, il exclut le chômage ; on ne forme que

le nombre de maîtres et d'ouvriers nécessaires pour as-

surer la relève — un apprenti par maître — la concur-

rence est prohibée, seuls comptent l'honnêteté, l'habileté

et le labeur de l'artisan. Les exigences morales et reli-

gieuses étaient les motivations profondes des hommes

du Moyen Age.

 

 

 

 

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