La coiffure en France du Moyen Age à nos jours

Les conditions de vie des barbiers

 

L'appréciation des conditions de vie à travers les siècles est une entreprise très difficile ; les données chiffrées sont peu nombreuses, les monnaies bien trop variées pour servir d'étalon de mesure, et surtout les structures de consommation sont pratiquement inconnues. On ne peut que formuler des esquisses, quelques hypothèses en cette matière.

Martin-Saint-Léon fournit quelques éléments de comparaison :

A la fin du XIIIe siècle, le registre de la taille de Paris

permet une évaluation des revenus des parisiens. La cote imposée représentant le cinquantième du revenu déclaré, une classification des contribuables est possible selon le montant de l'impôt.

l" catégorie,

taille supérieure à 10 livres, soit un revenu minimum

de 500 livres/an ; 10 cotes ;

2e catégorie,

taille de 5 à 10 livres, revenu minimum de 250

livres/an, une vingtaine de cotes ;

3e catégorie,

taille de 1 à 5 livres, soit un revenu minimum de 50

livres, ce sont des cotes plus nombreuses, la classe aisée ;

4e catégorie,

taille de 5 à 20 sous, soit un revenu de 12 livres, c'est le petit commerce ;

5e catégorie,

taille de 12 d. à 5 sous, ce sont les toutes petites échoppes. 

Vers la même époque, on peut relever les prix sui-

vants : (Une livre vaut 20 sous, un sou 12 deniers)

1 setier (120 kg) de farine       17 sous

1 000 poires                 12 sous

1 pourceau                  14 sous, 7 d.

1 mouton                   6 sous, 8 d.

Location d'une échoppe de barbier, rue Notre-Dame                      20 livres/an

Location d'un appartement « pour ouvrier » 5 livres/an

Les statuts ne fixaient jamais de salaire minimum, mais le sentiment religieux exigeait que le patron verse un «juste prix » ; chacun devant gagner, selon sa condition, le pain quotidien promis par les Évangiles.

 

[ Bosse (Abraham) Le Barbier (B.N Estampes)]

 

Le compagnon était, la plupart du temps, nourri chez le maître ; il recevait de plus un salaire de dix-huit à vingt-cinq sous par jour.

 

Si l'on se réfère aux chiffres cités plus haut, il appa-

raît que la condition des ouvriers n'était pas la plus

mauvaise : avec environ trente à quarante livres de revenus annuels, leur situation est proche de celles des commerçants. Les compagnons étaient d'ailleurs inscrits au registre, au même titre que les patrons.

« Au XIII1 Siècle, la condition de valet était sinon

prospère, du moins très supérieure à celle du compa-

gnon du XVIIe ou du XVIIIe siècle » écrit Martin Saint-Léon.

D'Avenel est du même avis :

« L'Organisation corporative du travail, bien diffé-

rente au XIIIe siècle de ce qu'elle deviendra plus tard,

améliorait la condition des ouvriers et par suite poussait à l'extension de la population »

Cette conséquence malthusienne peut surprendre ; il

est certain, néanmoins, que la population de la France augmenta régulièrement jusqu'au milieu du XIVe siècle.

 

 

Les barbiers chirurgiens

 

Au cours du XVe siècle, les barbiers exploiteront la

position favorable que leur confère les statuts octroyés par Charles VII - droit de « faire le poil » et la petite chirurgie et en obtiendront confirmation à maintes reprises par les lettres patentas de 1449, 1461 et 1499.

Par ailleurs, l'attitude de l'Académie de Médecine,

sensible à la déférence qu'ils ne cessent de lui témoi-

gner, les incite à pousser leur avantage :

Le 17 janvier 1491, les chirurgiens de Saint-Cosme

se plaignent une fois de plus de l'empiétement des barbiers, auprès de la Faculté de Médecine ; ils repro

chaient aussi aux barbiers leurs humbles origines et leur ignorance du latin et du grec, langues des savants. En réponse les barbiers obtiennent de la Faculté le droit d'assister aux leçons d'anatomie et de pouvoir acheter le corps d'un supplicié pour étudier ; ils s'engagent alors à porter révérence aux médecins, à convoquer deux docteurs aux examens de maîtrise et à se borner aux opérations de chirurgie élémentaire ; chaque élève barbier paiera quarante-deux sols de droit à la Faculté.

« Les barbiers, écrit Crevier, profitèrent si bien des

leçons des médecins, qu'ils prirent la prééminence, non de rang, mais d'habileté et de confiance de la part du public sur les chirurgiens de robe longue ».

En 1505, la Faculté passe avec la corporation un

contrat qui sera signé par les quarante-quatre maîtres

barbiers de Paris et les quinze docteurs régents ; doré

navant, les chirurgiens de Saint-Cosme devront les respecter et cesser de les traiter de « barbitonsores » ou« barbirasores » !

 

En 1554, un arrêt du Parlement demande que tout

aspirant à la maîtrise de barbier-chirurgien soigne et

panse les indigents gratuitement pendant six mois ; à

cet effet, le lieutenant du métier constituera une liste

des élèves-barbiers qui sera tenue à la disposition du

« bureau des pauvres ».

 

Le 26 mai 1558, le parlement ratifie la nouvelle

composition des jurys d'examen : « quatre des plus anciens maîtres-barbiers expérimentés et reçus en chef-d'œuvre dudit estât chacun en son quartier, et... en outre le greffier de la juridiction du Premier Barbier du Roi, les quatres maîtres jurés et deux docteurs en médecine. ... procéderont auxdits examens, suffisance ou insuffisance et à la réception, ainsi qu'ils en auront ensemble avisé, sans toutefois prendre aucune chose pour lesdits examens et réceptions qui se feront, sous peine de privation de leurs états de maîtrise. »

Ce texte introduit une modification importante au

statut de 1427, mais surtout il éclaire l'évolution des

coutumes du métier ; dans l'Ancien régime, la loi sanctionnait un usage établi.

 

La mention de chef-d'œuvre apparaît pour la pre-

mière fois dans la vie de la communauté. La tradition du « chef-d'œuvre » naît, dans les différents métiers, au cours du XIVe siècle ; elle renforçait la difficulté des examens de maîtrise, mais de plus, elle coûtait souvent assez cher à l'aspirant maître. 

 

 

 

[ A barbe fol apprent on à faire. Intérieur de boutique de barbier vers 1640 ( B.N Estampes]

Chez les barbiers, le prix du chef-d'œuvre est heu-

reusement un élément négligeable ; à Reims, au XVe siècle les candidats « seront tenus de servir à leurs dépens par l'espace de huit jours en l'ostel et ouvroir de chacun des deux maîtres jurés, et illecq faire leur chef-d'œuvre ; c'est à savoir bien mouiller et rère (raser) souffisamment à dict d'ouvrier, bien pègnier, rongnier (couper les cheveux) et fouillier une barbe, laquelle chose est aucune fois nécessaire à gens haittiez et malades, faire fers de lancettes convenables à seignier, et avoir la congnoissance de toutes les vaines qui sont au corps humain, et les causes pourquoy on les doit seignier ; et avecq ce avoir la congnoissance de congnoistre si on a saigné une artère au lieu de veine, laquelle saignée d'artère est très périlleuse à corps humain ; de congoistre aussi le temps convenable à chaque saignée.... »

L'ordonnance de 1558 interdit également aux jurés

de toucher « quelque chose » pour leur office de jury ; des abus avaient été signalés, certains jurés se faisant

payer pour émettre un jugement favorable.

L'habitude fut prise, à cette même époque d'offrir

un grand banquet de « réception » aux jurés et souvent aux membres de la confrérie ; un arrêt du Parlement du 28 août 1563 interdit ces pratiques « sur peine de la saisie des viandes pour être aulmosnées et distribuées aux pauvres malades de l'Ostel-Dieu »

Les règlements édictés par le Parlement n'étaient pas toujours suivis, tant s'en faut ; il est ainsi certain qu'à partir du XVe, l'accès à la maîtrise devint de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux ; le simple compagnon était défavorisé par rapport aux fils et gendres de maîtres. Beaucoup cherchèrent alors à échapper à toutes ces charges et s'installèrent à la cour, dans les prieurés, chez les grands seigneurs, près des hôpitaux ou autres institutions qui leur conféraient un droit de franchise ; d'autres travaillaient « au noir », en chambre, sans tenir de boutique, on les appelait « chambrellans ».

 


Le statut de 1611/1618

 

Les lettres patentes de 1611 consacrent l'autorité du Premier Barbier et l'appellation « barbier-chirurgien »

ARTICLE PREMIER. - « le Premier Barbier est maistre et garde de l'estat de maistre barbier-chirurgien dans tout le royaume, et a pleins pouvoirs pour organiser la profession.

Le statut, en 22 articles, offre peu de différence avec

les textes antérieurs ; deux nouveautés cependant :

- création d'un droit d'entrée dans la corporation de

cent livres tournois (art. 21)

- substitution du Grand Conseil du Roi à la justice prévotale, en juridiction d'appel.

Habit de Barbier-Perruquier. Le costume est formé des différents outils du métier : Plat à barbe ou bassin, ciseaux peignes et rasoirs, cardes et métier

à tresser. A droite, les marques distinctives des boutiques au XVII' siècle, enseignes à deux bassins et fenêtres à carreaux. (Coll. EBA). 

En 1618, Jean Boudet, chirurgien de Louis XIII et

d'Anne d'Autriche  est pourvu de l'état de Premier

Barbier.

La même ordonnance interdit aux barbiers-chirur-

giens de prendre plus d'un apprenti à la fois, « ni ceux qui ne savent lire et écrire » ; exiger cela des apprentis à une époque ou 90  de la population est illettrée, ne peut que favoriser un recrutement bien élitiste !

Boudet se signalera encore par la rigueur avec la-

quelle il empêchera les chirurgiens de Saint-Cosme de conférer la maîtrise de barbier (arrêts du Parlement de 1628,1629,1633.)

Tout excès engendrant son contraire, bientôt la fonction « chirurgie » du métier allait l'emporter sur

celle de « barberie », même si elles restaient statutaire

ment confondues de part la volonté royale. Les examens de maîtrise étaient très difficiles, l'apprentissage bien long, avec cours d'anatomie obligatoire et tout cela pour, en fin de compte « faire le poil ».

De sorte qu'en 1637 naquit une nouvelle catégorie

de barbiers, les barbiers-barbants auxquels toute prati

que chirurgicale était interdite.

 

 

 

Ils se contentèrent, avec bonheur, des soins de la toilette, et la mode d'alors favorisant un luxe inconnu jusque là, leur fournit bien assez d'ouvrage.

La vieille rivalité entre barbiers et chirurgiens repa-

rut plus âpre que jamais : Ambroise Paré, maître bar

bier-chirurgien, avait publié en 1545 son ouvrage célèbre « la Méthode de traiter les plaies faites par les

arquebuses et autres bâtons à feu » ; dès lors le collège de Saint-Cosme n'eut de cesse de l'intégrer malgré son ignorance du latin. Après sa mort, les progrès de la science chirurgicale continuèrent ; la main-mise d'un barbier, fut-il barbier du Roi, sur le corps des chirurgiens devenait inadmissible. Avec le contrat d'union, du 1" octobre 1655, entre chirurgiens — jurés et barbiers- chirurgiens, sous la surveillance de la Faculté de médecine et la juridiction du Premier Barbier, la situation atteignit le comble du ridicule.

 

Par arrêt de son conseil du 6 août 1668, Louis XIV

déposséda René Le Blanc, son barbier de toute juridiction : « Arrêt du Conseil d'État portant désunion des droits de l'art de barberie-chirurgie attribué au premier barbier du Roi et union d'iceux droits à la charge de premier chirurgien de Sa Majesté ».

Par la suite, le métier de Chirurgien devint une pro-

fession libérale, et les barbiers, associés aux perruquiers-baigneurs-étuvistes, profession érigée en maîtrise par édit de mars 1673, furent convertis en offices héréditaires sous la juridiction de Félix, premier chirurgien du Roi. Deux cent places, au prix de quinze cent livres chacune, furent créées à Paris, et plusieurs dans les grandes villes de province.

Les barbiers de Paris, formés rapidement en associa-

tion rédigèrent des statuts approuvés en décembre de la même année.

 

Ce règlement réunit des professions jusque là auto-

nomes, dans un même corps, occupé des soins de la toilette.

 

 

 

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