La coiffure en France du Moyen Age à nos jours Les origines du statut de 1673 Les Baigneurs-Étuvistes Les Perruquiers |
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Les Baigneurs-Étuvistes
Les baigneurs-étuvistes, c'est-à-dire les tenanciers de maisons de bains, étaient un des plus anciens métiers de Paris, déjà cité dans le Livre des Métiers d'Étienne. Boileau Les bains étaient fort répandus au Moyen-Age ; plusieurs rues de Paris ont longtemps conservé les noms des vieilles étuves, Étuves Saint-Honoré, Étuves Saint-Martin ou rue des Écouffes, soit rue des Étuves. Les bains se prenaient dans de grands baquets à une ou deux places. Les étuves étaient sèches ou humides, le choix entre le sauna ou le hammam ! Le prévôt fixa d'abord des jours réservés aux hommes, le mardi et le jeudi ; les femmes pouvaient s'y rendre les lundis et mercredis. Cette réglementation était rarement observée et les étuves, souvent soupçonnées de « bordelerie » inquiétaient les honnêtes gens ; le prévôt veillait au respect des bonnes mœurs. Pour appeler les clients, les étuvistes parcouraient au soleil levant les ruelles de la ville, en criant « au bain chaud ! », et c'était le moment de s'y rendre.
En 1371, sur les plaintes de divers usagers, le prévôt Hugues Aubriot fixe strictement les prix : - Une étuve, sans bain, quatre deniers et 1 d. pour le drap pour se recouvrir. - Une étuve et un bain, huit deniers. - Si deux personnes sont ensemble, douze deniers pour étuves et bains. Un dernier article leur fait interdiction de recevoir « bordiaux de jour et de nuit, ne mezeaux ne mezelles, juifs ou juives, rueurs ne autres gens diffamez de nuit » soit, les débauchés, les lépreux, les juifs et les vagabonds.
En 1399, le Prévôt de Paris, Jehan de Folleville leur octroit un statut, visant essentiellement à préserver la moralité publique : - séparer les hommes et les femmes. Il ne faudra même pas employer de femmes pour chauffer les étuves destinées aux hommes ; - signaler au Prévôt les adresses des établissements ; - observer le chômage des dimanches et jours fériés. A partir de 1583, la corporation passe sous la juri- diction du Premier Barbier, et l'usage autorise les étu vistes à raser leurs clients, non sans protestations des barbiers.
En 1634, devant la prolifération des maisons, et en raison sans doute de la suspicion dont elles feront toujours l'objet, leur nombre est limité à trente quatre pour Paris. En 1673, la communauté est confondue avec celle des barbiers.
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Les Perruquiers Les perruques et postiches existaient depuis l'Antiquité, mais leur usage était si restreint que les perruquiers restaient peu nombreux. Le Registre de la taille de 1292 signalait vingt neuf « coeffières » et perruquiers. Vers le milieu du XVIe les perruques vont être à la mode, d'abord chez les femmes qui utiliseront de plus en plus les postiches ; après 1650, les perruques pour hommes vont connaître une vogue sans précédent : pendant plus de deux cents ans, tout citadin, noble, bourgeois ou valet portera perruque. En 1616 les perruquiers obtiennent leurs premiers règlements. C'est un métier mixte : - Deux jurés et deux jurées seront élus par la commu nauté des maîtres et maîtresses, lesquels à cette fin s'assembleront en la chambre du Procureur du Roi au Châtelet. - Un maistre ne peut avoir qu'un seul apprenti à la fois ; l'apprentissage dure quatre ans. - Avant de présenter la maîtrise, les apprentis sont tenus de servir le maître pendant encore deux ans, moyennant un salaire raisonnable ; enfin il leur faudra réaliser un chef-d'œuvre. Cependant les fils et filles de maîtres, nés en « loyal mariage » seront reçus sans chef-d'œuvre ni expérience. La rigueur du XIIIe siècle est bien loin, et l'on voit ici, déjà, la source de bien des injustices. - Interdiction de colporter, et de vendre des postiches et perruques étrangers, qui n'auraient pas eu la visite des maîtres du métier. Souci de salubrité publique, semble-t-il. - Les boutiques et ouvroirs seront régulièrement visités par les jurés de la communauté. La mode des perruques entraîne une augmentation sensible du nombre des perruquiers à partir de 1650 ; la fabrication des postiches tente vite les barbiers ; en 1673, barbiers, baigneurs et perruquiers seront réunis dans une même corporation chargée de tous les soins de propreté et de toilette du corps humain.
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Le statut de 1673 |
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Le métier va perdre ses caractéristiques ancestrales ; il devient un instrument au service du pouvoir royal ; Louis XIV et Colbert, son ministre des Finances, poursuivent un double dessein ; - réformer les structures administratives du royaume, supprimer les vieilles coutumes héritées du Moyen Age qui différaient selon les villes et les provinces, et uniformiser les régimes, tout en créant une hiérarchie soumise au Grand Conseil du Roi, siégeant à Versailles. La centralisation administrative, organisée autour de la capitale est une réforme primordiale ; elle assure l'exécution des ordres émanant d'un pouvoir central omniprésent : celui de la monarchie, absolue. En 1673, Colbert reprend la tentative d'unification des statuts des métiers, vainement entreprise sous Henri III et Henri IV par les édits de 1581 et 1597. Tous les métiers, ou presque, devront désormais être organisés en jurande. On enregistre un certain succès à Paris, moins de ré- sultats en province. Néanmoins, un grand nombre destatuts seront repensés, renouvelés, les activités précisées de manière à éviter les éternelles luttes juridiques entre communautés rivales. Le statut des barbiers de 1673 mettra un terme aux disputes avec les chirurgiens : les barbiers-barbants, as sociés aux perruquiers et baigneurs, ne pratiqueront plus la chirurgie ; les barbiers-chirurgiens, associés par l'édit de 1655 au Collège de Saint-Cosme, exigèrent donc des marques distinctives : les barbiers-perruquiers affichaient pour enseigne des bassins blancs, ceux des barbiers-chirurgiens seront jaunes. Les boutiques des perruquiers seront peintes en bleu et fermées de châssis à grands carreaux de verre avec cette inscription « Céans ont fait le poil et on tiens bains ». - Le second objectif du Roi et de son ministre était de trouver de nouvelles ressources fiscales. Les charges de l'État étaient de plus en plus lourdes ; il fallait faire face aux dépenses de la guerre, aux exigences de la cour, à la construction de Versailles. Il était difficile d'augmenter les impôts existants, dans les proportions qui auraient été nécessaires, sans risquer des troubles sociaux. Les souvenirs de la « Fronde » étaient vivaces ; le Parlement de Paris, soutenu par la bourgeoisie des métiers et leurs milices armées, avait obtenu la rétraction des édits financiers imposés par Mazarin en 1648. Il fallait cependant trouver de l'argent, on pensa à le prendre chez ceux qui étaient à la source des activités, aux métiers. La vente des lettres de maîtrise ne rapportait plus guère. On imagina un nouveau procédé, la création d'offices héréditaires ; on limita dans la profession choisie le nombre de maîtres agréés et on transforma les lettres de maîtrise en offices vendus au profit du trésor : Louis XIV créa ainsi, de 1673 à 1714, à Paris 650 offices de barbiers ; 300 offices de changeurs ; 150 offices de limonadiers ; etc. Plus tard il nomma des multitudes d'officiers, en- combrant les divers métiers, dans le même but, d'ail- leurs avoué, de soutenir les dépenses de la guerre. C'était la fin de l'esprit corporatif. Le statut de 1673 reflète ses préoccupations administratives et financières. Le sieur Félix, premier chirurgien du Roi, reste « Chef et garde des chartes, statuts et privilèges de la barberie du Royaume ». Il avait sur tous les barbiers de France « inspection et juridiction » ; mais, ne pouvant exercer en personne, il se faisait représenter par un lieutenant qu'il était tenu de choisir parmi les anciens jurés du métier. Trois syndics étaient élus chaque année, le lendemain de la Saint-Louis (art. 2). « Les syndics et gardes faisaient les visites dans tous les établissements (art. 5). » L'article 28 définissait ainsi la profession : « Sa Majesté permet auxdits barbiers, baigneurs, étuvistes et perruquiers de faire et vendre en leur boutique des poudres, opiat pour les dents, pommades, savonnettes et autres senteurs, essences, pastes à laver les mains et mesme nettoyer les dents, et généralement tout ce qui est propre pour l'ornement, propreté, netteté et santé du corps humain. Comme aussi leur permet Sa dite Majesté de vendre et négocier des cheveux tant en gros qu'en détail... (art. 29). Un maître ne pouvait avoir plusieurs -apprentis, ni ouvrir plusieurs boutiques dans la même ville (art. 15 et 17). L'apprenti, après deux années d'apprentissage, pou- vait accéder à la maîtrise, en effectuant un chef-d'œuvre - qui durait deux jours - et devait verser trente sols à chacun des gardes et deux cents livres à la communauté. Il n'avait pas le droit de se replacer dans le quartier du maître qu'il venait de quitter avant deux autres années(art. 13 et 16). Les fils et gendres de maîtres, dispensés de chef- d'œuvre étaient tenus à « l'expérience », épreuve facile pour laquelle les gardes-jurés se montraient indulgents(art. 11 et 12). Ces règlements sauvent les apparences de l'ancienne communauté, car de fait, l'esprit du corps de métier disparait : dans la pratique, tout est mis en œuvre pour limiter l'accès de la profession ; une double sélection parla fortune est opérée : D'une part, l'ouvrier accédant à la maîtrise doit ver- ser deux cents livres à la corporation ; quand on sait que le salaire moyen à Paris vers 1700 est d'environ trente sols par jour, cette somme représente près de cinq mois de travail. D'autre part, pour ouvrir boutique il fallait en outre acquitter une taxe de 1 500 livres au Trésor royal, pour l'une des deux cents places créées à Paris. En province le nombre d'offices était également limité. Il est clair que seuls, les plus riches parmi les maîtres avaient la possibilité de payer. D'ailleurs, ils ne se- ront même plus tenus d'exercer : « Tous les barbiers-perruquiers pourront louer leur privilège sans être obligés de demeurer chez leurs locataires et sans travailler d'aucune façon à leur profession.Le preneur paiera dix livres à la communauté où la cession sera enregistrée » (art. 18). La corporation est devenue un monopole héréditaire pour les deux cents plus riches « sans que ledit nombre puisse être ci-après augmenté » (art. 31). Malgré cet engagement, compte tenu du développe- ment extraordinaire de la mode des perruques, et de l'excellente rentabilité de la vente des offices, le Roi créa encore cent cinquante places en 1691 à deux mille livres chacune. En 1706 l'Association de Paris qui comptait quatre cent cinquante maîtres, fut encore augmentée de deux cents charges.
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Ce système de vente d'offices héréditaires, imposé par le pouvoir royal, altère profondément la nature de la corporation. Si traditionnellement, les corporations apparaissaient comme le refuge des libertés économiques et de la solidarité des gens de métier face à la noblesse et aux autres pouvoirs, cette image s'estompera désormais très vite.
La Communauté soumise au bon vouloir du tréso- rier royal, ne songe plus qu'à s'auto-perpétuer. D'instrument économique, elle devient instrument social de la petite bourgeoisie, jalouse de son monopole et de ses privilèges face aux ouvriers auxquels elle refusera désormais, toute possibilité de promotion.
De plus, les Communautés établissent une hiérarchie entre elles. Déjà, en 1616, le juriste Charles Loyseau dans son « Traité des dignités », opérait une distinction entre « les artisans ou gens de métiers... qui exercent les arts mécaniques, ainsi appelés à la distinction des arts libéraux pour ce que les mécaniques étaient autrefois exercées par les serfs et esclaves ». Tout travail entraînant la déchéance de celui qui l'exerce, l'artisan est un « vilain ». « Or, bien que les artisans soient proprement méca-niques, et réputés viles personnes, il y a toutefois, cer tains métiers qui sont métiers et marchandises tout ensemble... En tant qu'ils participent à la marchandise, ils sont honorables et ceux qui les exercent ne sont mis au nombre des viles personnes, (...) Ils se peuvent qualifier honorables hommes et bourgeois, apothicaires, orfèvres, joailliers, merciers, grossiers, drappiers, bonnetiers et autres semblables, comme il se doit dans les ordonnances ». L'Édit royal de 1691 fixe les hiérarchies des métiers. Il a pour but avoué d'obtenir du commerce « quelques secours pour soutenir les dépenses de la guerre et maintenir les avantages dont Dieu avait jusqu'à présent béni la justice des armes ». En conséquence, il enlevait aux corporations le droit d'élire ses jurés et substituait à ceux-ci des jurés choisis par lui, auxquels il vendait leurs charges déclarées héréditaires.
Les métiers étaient divisés en quatre classes ; dans la première, tout nouveau maître était tenu de payer au Roi une somme de quarante livres ; ce droit s'élevait à trente livres dans la seconde classe, à vingt livres dans la troisième et à dix livres dans la quatrième. L'arrêt définit ainsi la première classe : «Apothicaires, épiciers, bonnetiers, drappiérs, mer-ciers, orfèvres, pelletiers, c'est-à-dire, les six corps traditionnels. Puis les affineurs, batteurs d'or et d'argent, bouchers, barbiers et perruquiers, etc. » En 1586, d'après Levasseur, les barbiers n'occupaient que le deuxième rang « qui sont les métiers d'entre les meilleurs et médiocres ». A la fin du XVIIe siècle, la corporation est sansconteste, l'une des plus riches professions de Paris et fait bien partie des métiers honorables, de première classe. Aussi bien, les financiers du Roi ne cessent d'imaginer de nouveaux stratagèmes pour faire payer une association aussi prospère. En janvier 1706, le Grand Conseil du Roi établit un« droit de contrôle sur les perruques dans l'étendue du royaume ». Les perruques devaient être étuvées afin de garder leur frisure ; aussi charge-t-on les boulangers de s'assurer du paiement des droits au « Fermier » Fortin avant la cuisson dans le four. Chaque perruquier se verra indiquer un boulanger spécifique ; les taxes seront pour une perruque de moins de dix livres, dix sols, de dix à trente livres, quarante sols et pour les perruques de plus de trente livres, trois livres et dix sols. Les perruquiers ayant fait valoir, que l'exportation de leur production était une des plus importantes ressources extérieures du royaume, même si cela supposait 1 importation croissante de cheveux étrangers l'Édit est rapporté en juillet 1706. Mais puisque le commerce des postiches est si florissant, on crée deux cents nouvelles places à Paris « pour répondre à l'enlèvement des pays estrangers », vingt places dans toutes les villes ayant un parlement, trente places à Lyon et encore dix ailleurs. Pans compte alors six cent cinquante charges de perruquiers. En 1707 les syndics élus de la communauté sont remplacés par des offices héréditaires, vendus mille cinq cents livres. La communauté s'épuise à racheter ces diverses charges ; les rapports entre les membres d'un même métier se détériorent ; la vénalité des charges introduisait ans la profession des gens qui n'y avaient pas leur place.
Les privilégiés qui avaient payé très cher le droit d exercer ou de faire travailler poursuivaient le travail libre avec plus de rigueur. Les arrêtés de police sont nombreux à cette époque contre les barbiers et perruquiers qui travaillaient en chambre.
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